Théâtre, sept. 2000

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La rentrée théâtrale 2000-2001 : Du conservatisme à la contestation

 

Par Patrick Laurin

L’été tirant à sa fin, le monde culturel montréalais s’apprête déjà à prendre ses quartiers d’hiver. Ainsi, après plusieurs mois de festivals et de célébrations presque bacchanales, le mois de septembre marque un certain retour au calme, du moins en apparence. Car, si la circulation semble vouloir se faire plus fluide sur les grandes artères du centre-ville, l’activité culturelle de la métropole ne diminue pas pour autant. Pour une deuxième année consécutive, j’aurai le plaisir d’être à la barre de la chronique Arts et Théâtre, question de vous suggérer quelques sorties culturelles. Sans prétendre pouvoir égaler la couverture culturelle offerte par les grands hebdomadaires qui paraissent à Montréal, je tenterai, au cours de cette année, de vous présenter une couverture de la vie culturelle montréalaise laissant une très large place aux jeunes créateurs et aux petits, qui constituent la relève artistique de demain. Mais plus que cela, je m'efforcerai de vous démontrer au fil de cette chronique, qu’il n’est pas nécessaire de débourser entre vingt et trente dollars pour voir d’excellents spectacles à Montréal. C’est donc ce pari que je m’engage à relever au cours de cette année.

 Mais trêve de discussions et passons à l’objectif premier de cet article, soit vous présenter en quelques lignes les points forts de la rentrée théâtrale chez la plupart des grandes compagnies théâtrales de Montréal. J’aurais bien apprécié vous présenter une revue complète de la rentrée incluant d’autres médiums que le théâtre, mais je ne me sentais pas les compétences nécessaires à une telle entreprise. De même, vous me pardonnerez de passer sous silence la programmation des petites compagnies théâtrales, la majorité de celles-ci n’ayant pas publié lors de l’écriture de cet article le contenu de leur programmation.

 Si la saison théâtrale 1999-2000 se voulait une rétrospective du meilleur théâtre écrit en Occident depuis deux milles ans et une ouverture résolument tournée vers le théâtre actuel, la saison 2000-2001 présente un côté définitivement plus conservateur. Optant pour des valeurs sûres et laissant peu de place aux créations, l’automne 2000 offrira aux amateurs quelques bonnes surprises. À tous seigneurs tous honneurs, débutons cette rentrée par la quarante-neuvième saison du Théâtre du Nouveau-Monde qui ouvre cette dernière dès le 19 septembre avec Ce soir, on improvise de l’auteur italien Luigi Pirandello. Auteur clé du XXe siècle, la dramaturgie de Luigi Pirandello compte parmi les monuments les plus importants du théâtre contemporain. Ce soir, on improvise s’inscrit au cœur d’une trilogie ( Six personnages en quête d’auteur (1921), Comme ça (1924) et Ce soir, on improvise (1930) ) où l’auteur explore le concept du théâtre à l’intérieur du théâtre et porte une réflexion importante sur le rôle du spectacle et la place du spectateur dans ce dernier. Avec Pirandello, le théâtre occidentale entre définitivement dans le XXe siècle et pave la voie à des auteurs comme Ionesco, qui pousseront plus loin les expérimentations et les réflexions de ce dernier. Pas totalement absent des scènes montréalaises ces dernières années, Pirandello n’est pas un étranger au TNM, encore moins Ce soir, on improvise qui était de la programmation de ce même théâtre en 1994. Cette pièce est présentée dans une mise en scène de Claude Poissant, metteur en scène de grand talent qui trop souvent n’est à la hauteur de sa réputation.

 Le TNM clôt la première partie de sa saison 2000-2001 avec une autre pièce intemporelle, soit le Dom Juan  de Molière à partir du 7 novembre.  Écrite en 1665, cette pièce, un des sommets de Molière, n’a pas besoin de présentation. Équipée d’une distribution intéressante (Benoît Brière campera le rôle de Sganarelle) et sous la direction de Martine Baulne, c’est une production qui ne manquera pas d’intérêt.  Somme toute, le Théâtre du Nouveau-Monde nous offre un automne résolument conservateur axé sur des valeurs sûres. Ah, rendement, quand tu nous tiens !

 Fidèle à elle-même, la Nouvelle Compagnie Théâtrale présente dans ses deux salles (le théâtre Denise-Pelletier et la salle Fred-Baril) une programmation qui donne aux spectateurs un survol assez heureux de la dramaturgie occidentale du XVIe au XXe siècle.  Pour une initiation aux grands classiques du théâtre, un abonnement s’impose. Attirant une clientèle principalement constituée d’écoles secondaires et de cégépiens, la saison de la NCT souffre des défauts de ses qualités. Présentant beaucoup de classiques, la saison de la NCT se présentent malheureusement trop souvent comme un complément à tous bons cours de littérature. Cependant, la Nouvelle Compagnie Théâtrale a l’avantage de présenter ses spectacles pour un coût généralement moindre que dans les grandes compagnies. Cette année, la NCT ouvre sa saison le 26 septembre au théâtre Denise-Pelletier avec La reine morte d’Henry de Montherland, un auteur français de la première partie du XXe siècle. Cette tragédie écrite en 1942 reprend plusieurs des thèmes inhérents à l’œuvre de Montherland et commun à la tragédie, soit le sacrifice, le courage et l’idéal d’accomplissement de soi. D’un classicisme intransigeant et d’une beauté littéraire incomparable, c’est une pièce qui faute d’être vu, mérite d’être lu. C’est à Denise Guilbault, metteur en scène connue pour ses mises en scène d’œuvres de Walker et de Mamet, qui relèvera le défi offert par cette pièce. La Nouvelle Compagnie Théâtrale termine l’automne avec la présentation dès le 7 novembre de L’école des femmes de Molière. C’est le metteur en scène français Alain Knapp qui signera la production de ce grand classique. Une production qui mérite d’être vue, si ce n’est pour goûter à cette misogynie propre au XVIIe siècle.

 La salle Fred-Baril accueillera quant à elle dès le 21 septembre le conte maçonnique Le serpent vert de Goethe, une lecture spectacle réalisée par Bernard Daoust. Suivra à partir du 3 octobre Répercussion, un collage de texte d’auteur québécois, de Roch Carrier à Michel Tremblay. Ce spectacle collectif du Théâtre de la Volée cherche à cerner par ces extraits de texte l’évolution de l’identité québécoise depuis les cinquante dernières années.  Pari audacieux mais somme toute douteux.

 Rompant avec les compagnies précédentes, la Compagnie Jean-Ducepte nous propose une première moitié de saison résolument américaine en proposant au public les pièces Droit d’auteur de Donald Margulies dès le 6 septembre et Rien à voir avec les rossignols de Tennessee Williams dès le 25 octobre. Cette dernière œuvre constitue, avec la production Des voisins de Claude Meunier et Louis Saia (dès le 4 avril 2001), un des points forts de la saison de la Compagnie Jean-Ducepte. Œuvre de jeunesse de Tennessee Williams soutenue par une distribution de haut calibre (Normand D’Amour, Michel Dumont, Germain Houde et Marc Legault entre autre), cette production signée par Serge Denoncourt promet d’être un événement en soi. Si le coût d’entrée promet d’être élevé, ce spectacle vaudra, quant à lui, plus que son prix.

 Pour sa part, le Théâtre du Rideau Vert ouvre sa saison avec la présentation spéciale dès le 22 août avec Maudite machine, une création de l’auteur Abla Farhoud. Constituée d’un long monologue interprété par l’actrice Nicole Leblanc, Maudite machine nous mène au cœur d’une journée dans la vie d’une brigadière scolaire, une maudite journée. Sous la direction de Louise Laprade, cette pièce se veut une descente aux enfers, de même qu’un voyage initiatique. La saison régulière débute le 26 septembre avec Qui a peur de Virginia Woolf ? de l’auteur américain Edward Frankelin Albee sous la direction de Marin Faucher. Rassemblant une distribution de qualité (Louise Marleau, Raymond Cloutier, Pascale Desrochers et François-Étienne Paré), cette pièce de Edward Albee pose un regard déchantant sur la société américaine, les relations familiales et les relations de couple. Chaudement recommandée pour les couples à la dérive.

 Le théâtre du Rideau Vert conclut la première partie de sa saison régulière avec, dès le 7 novembre, L’heureux stratagème de Marivaux. Écrite en 1733, cette comédie résume assez bien le style de Marivaux et est servie par une excellente distribution (incluant entre autre Catherine Sénart, Jean Asselin et Gabriel Sabourin), ce chassé-croisé amoureux nous réserve d’excellente surprise.

 Pour sa quarante-cinquième saison, le Théâtre de Quat’Sous s’offre un nouveau directeur en la personne de Wajdi Mouawad et présente au public une saison résolument ouverte sur le monde. Fidèle à elle-même, la petite compagnie théâtrale de l’avenue des Pins nous présente quelques beaux morceaux du répertoire contemporain. Portée par le succès qu’elle a connu lors de la dernière saison, l’excellente pièce Je suis une mouette (non ce n’est pas ça) de Serge Denoncourt (librement inspirée de Anton Tchékhov) reprend l’affiche dès le 7 septembre. Un spectacle définitivement à ne pas manquer. Le Quat’Sous clôt l’automne avec la présentation, dès le 22 octobre, du Colonel oiseau de l’auteur bulgare Hristo Boytchev.  Sur fond de guerre en Bosnie, cette comédie, soutenue par une excellente distribution (Alexis Martin, Patrice Coquereau et Léo Argüello entre autre), pose une réflexion sur le sort des petites communautés face à la mondialisation.

 Je conclurai cette présentation incomplète de la rentrée théâtrale en vous présentant la saison du Théâtre d’Aujourd’hui, seule compagnie théâtrale avec le Théâtre du Rideau Vert à proposer au public montréalais des créations québécoises cet automne. Mais plus encore, le Théâtre d’Aujourd’hui laisse une large place aux jeunes auteurs.  C’est la pièce Le petit Köchel de Normand Chaurette, l’auteur du Passage de l’Indiana et de Stabat Mater II,  qui ouvre la saison au Théâtre d’Aujourd’hui le 12 septembre. Dans une mise en scène signée Denis Marleau, cette pièce explore, à travers la vie de quatre musiciennes, quatre sœurs, les remous et les incertitudes de la conscience dans une société où les repères moraux s’effondrent. Dans la même veine, La nostalgie du paradis de François Archambault nous présente dans un humour grinçant une réflexion sur le couple et sur l’amour dans un monde dénudé de rite et de balise.

 C’est donc sur ces quelques lignes que je conclue cette présentation exhaustive de la programmation automnale des grandes compagnies théâtrales de Montréal. Malgré tous, je tiens à souligner l’absence de cette rentrée du Théâtre Prospéro, du Théâtre de la Licorne et de l’Espace Go, dont la programmation n’était pas disponible lors de la rédaction de cet article. Je promets néanmoins de vous tenir au courant lors de la prochaine parution. En terminant, question de voir quelque chose, l’événement Montréal aux 2000 et un visages, qui se déroulera du 10 août au 1 octobre sur différents sites le long du boulevard Saint-Laurent et rassemblera plusieurs prestations gratuites allant de la danse, au théâtre en passant par des séances de conte et des expositions d’art. L’horaire des différents événements est disponible sur le site Internet de la ville de Montréal dont voici l’adresse :

www.ville.montreal.qc.ca/maisons 

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