Politique, oct. 2000

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Un Trudeau, deux visions

 

Par Simon Fournier  

doubadabaya@hotmail.com

   

        C’est jeudi le 28 septembre qu’est décédé Pierre-Elliott Trudeau, politicien qui a incontestablement marqué la vie politique du pays depuis sa première élection en 1968 jusqu’au début des années 1990 où il a, bien que déjà retraité, joué un rôle important dans l’échec des négociations du Lac Meech.

 

        Que penser d’un tel politicien? Autant on l’adulait d’un côté, autant il pouvait être détesté de l’autre (car peu importe ce que disent aujourd’hui les politiciens souverainistes, ils le détestaient... bien sûr ils pouvaient  respecter l’homme et ses idées et blablabla...). Une chose est cependant certaine, il n’a laissé personne indifférent.

 

        Mais voilà, comment aborder objectivement un homme qui a soulevé tant de passions? Comment se faire une idée claire, nous qui ne l’avons pas vu à l’oeuvre, de ses actions, tant positives que négatives? En tant que séparatiste (eh! oui, je m’en confesse), je devrais le haïr, je devrais retenir l’imposition de la loi des mesures de guerre en octobre 70, le refus de reconnaître le caractère distinct des Québécois ou le rapatriement de la constitution sans le consentement du Québec. En tant que fédéraliste (j’ai quand même des talents d’acteurs), je devrais l’admirer, je devrais retenir la loi sur les deux langues officielles, la charte des droits et libertés, l’ascension des Canadiens-français dans l’appareil bureaucratique fédéral. Non mais, il nous a tout de même laissé plus qu’une insurmontable dette.

 

        Je sais! Regardons, des deux côtés, le gazon dans la cour du voisin. En bon séparatiste, je dois avouer à regret (puisque je doit le détester), que tout n’a pas été que mauvais. En effet, Trudeau est à l’origine de la loi sur les deux langues officielles qui oblige le gouvernement canadien à servir ses citoyens dans la langue qu’ils désirent, ce qui semble être une politique, ma foi, qui reconnaît à un certain point un caractère culturel particulier aux Canadiens d’expression française, comme par exemple, les Québécois. Le social-démocrate en moi me signale également que c’est sous Pierre-Elliott Trudeau que la charte des droits et libertés a été adoptée et qu’il a été un des premiers, sinon le premier, à refuser de poursuivre les homosexuels pour leur orientation (encore aujourd’hui, certains rétrogrades, comme Stockwell Day, refusent de reconnaître leurs droits). Trudeau est aussi: un des premiers chef d’États occidentaux à avoir reconnu la Chine de Mao (pas pire pour un libéral), un sympathisant du régime de Castro (qui s’est d’ailleurs déplacé pour ses funérailles!!!) et celui qui a tenu tête de nombreuses fois devant l’impérialisme des Américains et des Anglais, se prononçant pour le désarmement et l’aide aux pays du Tiers-monde.  

 

        Le fédéraliste que je suis (ou prétends être) doit cependant concéder, à mon grand dam (puisque je l’aime tant) qu’il n’a pas toujours démontré la plus grande clémence. En 1970, la suspension des droits fondamentaux par la loi des mesures de guerre était grandement excessive. En appelant cette loi, Trudeau a fait suspendre ce pour quoi il s’était battu: les droits et libertés individuelles. Même son de cloche pour le rapatriement de la constitution qu’il a imposé, de force, au Québec qui avait, il faut s’en rappeler, quitté la table de négociation en guise de protestation. Je comprends également ceux qui croient que M.Trudeau méprisait les Québécois.  Il est vrai que de se faire traiter de «mangeux de hot-dogs», par un intellectuel comme l’était Trudeau sonne assez, disons-le, péjoratif.     

 

        Plus sérieusement, Pierre-Elliott Trudeau aimait profondément le Canada, son pays, et détestait passionnément tout ceux qui voulaient le briser. C’est d’ailleurs pourquoi on ne pouvait rester indifférent face à ce personnage. Il était mauvais politicien dans le sens qu’il ne se gênait pas pour dire ce qu’il pensait et qu’il ne cherchait pas à cacher ses idéaux. C’est pourtant ce qui lui a valu toute sa popularité. Il a fait des bons coups, il en a fait des mauvais et en cela, il n’est pas différent des autres dirigeants qui l’ont précédé et suivi. Il faut voir Trudeau comme un passionné, prêt à tout pour défendre ses idées. Il a certainement, malgré lui, contribué en partie à l’essor du séparatisme tout comme il a dû faire naître en d’autres un patriotisme canadien jamais égalé. Monsieur Trudeau, malgré toutes mes convictions, je vous souhaite un bon repos.

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