Politique, déc. 2000

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Mon premier vote

 

Par David Murray

        Lorsque vous lirez ces lignes, les élections fédérales seront déjà derrière nous et tout porte à croire que les libéraux de Jean Chrétien mèneront de nouveau la barque canadienne pour les quatre prochaines années, que ce soit par le biais d’un gouvernement majoritaire ou minoritaire. Peu importe, ces élections constituent pour moi la première occasion d’exercer mon devoir de citoyen : celui de voter. Cette situation m’a donc amené à m’interroger sur l’utilité de mon vote au sein de notre merveilleux système démocratique. M’est-il bénéfique de voter, et pour qui ?

        À priori, comme probablement la plupart d’entre vous, je suis la campagne électorale. Toutefois, je dois dire que je suis celle-ci avec un certain désintéressement. En effet - et cela n’est pas une grande surprise - alors que cette campagne devrait fournir l’occasion de permettre un débat d’idées entre les différents aspirants au pouvoir, à l’intérieur duquel ceux-ci font part à la population de leur projet de société, il semble plutôt que nous ayons affaire à une campagne de marketing. Aucune envolée oratoire des différents candidats et aucun discours soutenu par un brin d’originalité. Du pareil au même. Le but est de soigner son image, de ne froisser personne et d’atteindre le plus grand nombre d’électeurs en ne se détachant pas trop du discours « mainstream » qui infecte le monde politique présentement. L’idée n’est maintenant plus de voter pour un parti qui veut faire avancer la société et s’attaquer aux problèmes de fond, mais plutôt pour celui ayant la meilleure image, faisant le moins de gaffes possible et qui dit ce que les sondages ont décidé de ce qui devrait être dit. Pour ce faire, on nous bombarde d’une myriade de promesses incohérentes, de discours ayant pour propension de séduire le plus grand électorat possible ainsi que de publicités dont je me passerai ici de commentaires.  Qu’en pensez-vous ! ? 

        Toute cette campagne sans éclat,  vide de contenu et dont il s’avère difficile d’en retirer quelque chose de constructif, m’amène donc à porter un regard sur les différents partis présentant des candidats dans mon comté. Y’a-t-il réellement un parti qui répond à mes aspirations et qui mérite que je me déplace afin d’y apposer mon petit crochet ? Comme j’habite dans le comté de Laurier-Ste-Marie, parlons en premier lieu du Bloc québécois, puisque c’est dans cette circonscription que se présente Gilles Duceppe. Étant assuré que le Bloc ne sera jamais au pouvoir, ce vote n’est-il pas sacrifié ? Peut-être pas puisque, comme le soutient ce parti, il permet aux intérêts du Québec d’être représentés à Ottawa, chose qui n’est jamais assurée. Cependant, ne partageant pas la vision  du Bloc en terme de projet pour la souveraineté, je ne crois pas que ce serait conséquent avec mes intérêts que de voter pour Duceppe. En effet, selon moi, le programme souverainiste du Bloc ne semble accompagné d’aucun projet de société viable et veut plutôt faire du Québec un nouveau Tiers-monde dans la mosaïque des États mondialisés. Vient ensuite le Parti libéral du Canada. Sur ce, n’est-il besoin de préciser que ce parti n’a rien à offrir qu’il aurait déjà pu offrir et qu’une fois réélu, il continuera son beau travail d’engraisser les riches aux dépens des pauvres et d’agir en fidèle laquais des États-Unis ? Pour ce qui est maintenant de l’Alliance canadienne, il en serait pour moi une trahison à mon intégrité que de voter pour le parti de Stockwell Day. N’avons-nous pas déjà assez reculé pour continuer dans cette veine en tournant le volant encore un peu plus à droite ? Il y a ensuite le Parti progressiste-conservateur. On avance, on recule. On avance, on recule. Où est-ce qu’on s’en va ? C’est tout ce que j’ai à dire sur ce parti dont je ne crois pas que je pleurerais la disparition. Comme dernier des cinq «grands partis », il y a finalement le Nouveau parti démocratique. Malheureusement, bien que ce parti se veut pour mandat de poursuivre l’oeuvre de la CCF et de pencher vers la gauche, il n’en demeure pas moins que le NPD n’a pas particulièrement grand chose à offrir de neuf pour sortir le pays du marasme social dans lequel il se trouve. Là encore, je ne suis pas satisfait.

        En jetant un regard aux autres partis, il semble bel et bien que là aussi mon cynisme politique ne pourra y trouver un exutoire intéressant. Premièrement, il y a le Parti marxiste-léniniste du Canada. Voilà un parti qui vit dans le passé et dont les gérontocrates n’ont pas changé le discours depuis les années 1930. Un parti qui veut faire la révolution par le biais des élections. À quand un parti anarchiste ! ? Vient ensuite le Parti marijuana, représenté par son chef, Boris. Malgré le fait que je sois en faveur de la légalisation des drogues douces, l’idée que cette revendication soit la seule du parti témoigne d’un manque à combler. Peut-être serait-il plus approprié pour ce parti de se consolider en un lobby ?  Finalement, il y a le Parti vert. Bien que portant un grand intérêt pour les questions touchant à l’environnement, je dois dire que je suis peu au courant du programme de ce parti, leur visibilité étant de beaucoup restreinte par rapport à leurs homologues européens.

        Dans ces conditions, la question reste toujours à savoir si je dois voter, et pour qui ? Étant assuré que je ne voterai pas pour aucun des cinq partis monopolisant l’attention médiatique, il me reste trois choix : voter par opposition pour un parti marginal, annuler mon vote en votant pour tous ces gens qui ne veulent que mon bien, ou tout simplement ne pas voter. Pour la première option, bien que ce vote ne pèsera pas beaucoup dans la balance, il n’empêche que celui-ci témoignera de mon opposition face aux partis qui dominent la vie politique du pays. Pour la deuxième option, celle-ci pourrait bien aussi représenter un vote d’opposition. Toutefois, est-ce que le 27 novembre j’aurai le goût de perdre mon temps à aller inscrire des crochets qui ne seront pas comptabilisés ? Finalement, concernant le dernier choix, celui-ci va de pair avec cette interrogation que j’ai envers les élections. M’est-il vraiment utile d’aller voter ? Même si aucun parti ne répond à mes aspirations, dois-je obligatoirement aller voter pour ensuite, comme plusieurs le soutiennent, pouvoir exprimer mon désaccord face au prochain gouvernement ? Sur ce, je trouve cet argument totalement dénué de sens. En effet, l’idée serait-elle de s’enchaîner afin de pouvoir par la suite se délier de nos chaînes, ou comme le disait le chanteur Renaud de « choisir pour celui qui les fera crever ». Les aspirants au pouvoir en cette élection 2000 ne nous ont-ils pas déjà démontré qu’ils ne travaillent pas pour le peuple et l’avancement de la société, mais bien pour eux et leurs amis privilégiés ?

        En terminant, ne croyez pas que mes remises en question face à ces élections ont pour but de m’éviter d’avoir à assumer ma responsabilité en tant que citoyen. En fait, c’est tout le contraire. Le fait que je m’interroge sur ces questions témoigne plutôt de l’idée que je voudrais bien jouer mon rôle de citoyen, mais que selon moi le système actuel et ses représentants ne me permettent pas de le faire pleinement. En ce sens, la meilleure solution pour moi face à ce dilemme électoral serait de voter, comme cela est possible dans certains pays, pour le « non-vote ». Dans ce cas, mon vote en représenterait vraiment un d’opposition légitime. J’exercerais alors mon devoir de citoyen, tout en témoignant mon refus d’être de connivence avec les vautours qui rodent autour de la capitale fédérale.

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