Histoire, déc. 2000

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L’ABC du démocrate

 

Par Chad D. Dublois

        Les hommes, jadis libres de toutes contraintes, se regroupèrent en communautés pour mieux résister à l’hostilité de la nature et s’entraider pour diverses activités. Depuis sa condition d’hominidé et même au-delà, les primates qui précédèrent l’homo sapiens sapiens formèrent déjà les embryons d’une société avec une véritable hiérarchie. Tout au long du Paléolithique et ce, jusqu’à notre société se trouvant à l’aube d’une troisième révolution industrielle (la révolution informatique) en passant bien entendu par l’incontournable Néolithique, les relations entre les humains devinrent  sans cesse plus complexes au sein des sociétés naissantes. Or, la vie en société exigea de l’homme qu’il abandonne une partie de sa liberté pour participer à une œuvre commune et à l’établissement d’une autorité qui transcende celle des individus : l’État.

        Au fil des siècles, les États et les hommes se sont dotés de différents systèmes d’exercice du pouvoir : monarchie (ou tyrannie), théocratie, oligarchie, démocratie, etc. À cet égard, les Grecs, plus particulièrement les Athéniens, furent les premiers dans l’histoire de l’humanité à proposer une participation politique  au peuple formé des citoyens au VIe siècle av. J.-C.. Toutefois, les citoyens (des hommes de parents athéniens) formaient une minorité dans l’Attique : les femmes, les esclaves et les métèques ne pouvaient y participer. De surcroît, plusieurs éléments entravaient l’exercice de cette démocratie : la constitution censitaire du réformateur Clisthène (qui faisait en sorte que seuls les individus les plus fortunés pouvaient accéder aux magistratures supérieures), les problèmes liés à l’importance qu’occupait la rhétorique dans les débats des assemblées, le fait que certaines magistratures étaient non-rémunérées, et l’éloignement de la ville d’Athènes pour un bon nombre des habitants de l’Attique.

        Dans la ville de Rome se développait lentement une société plus égalitaire, en théorie du moins, entre les deux ordres qui constituaient la ville : les patriciens et les plébéiens. Sous la république, vers 450 av. J.-C., les plébéiens (ou le peuple) obtinrent la mise à l’écrit du droit avec la loi des douze tables. Cela demeure encore un important moment dans notre histoire, car la loi ne pouvait plus alors faire l’objet de l’interprétation arbitraire des élites. Malgré le caractère fortement aristocratique de la république romaine, les plébéiens purent aspirer à plus d’égalité entre les individus grâce à cette mise à l’écrit du droit.

        Cependant, le but de cet article n’étant pas de décrire les deux systèmes politiques fondamentaux à l’origine de notre conception occidentale du pouvoir, il me semblait nécessaire, à tort ou à raison, d’en souffler quelques mots bien que cela me paraisse qu’un survol des plus fugitifs. D’abord parce que la démocratie athénienne et la république romaine continuent de hanter notre imaginaire collectif en tant que civilisation. Ensuite, parce qu’elles éveillent en nous des idéaux bien plus élevés qui éclipsent les lacunes de ces deux systèmes.

        Ces idéaux dont se réclame notre civilisation et ce, particulièrement en ce qui concerne la démocratie, témoignent de la place importante accordée à cette dernière. Mais qu’est-ce que la démocratie? L’étymologie nous apprend que le mot démocratie provient du grec dêmos (peuple) et kratos (pouvoir) et qui signifie donc «pouvoir du peuple ». D’autre part, le dictionnaire définit la démocratie comme suit : «Régime politique dans lequel le peuple exerce sa souveraineté lui-même, sans l’intermédiaire d’un organe représentatif (démocratie directe) ou par représentants interposés (démocratie représentative) ».

        Or, peut-on affirmer que le peuple exerce une véritable souveraineté politique au sein des institutions qui le gouvernent en cette ère de la communication ? Sûrement pas, surtout si l’on s’attarde par exemple au système politique canadien : une monarchie constitutionnelle de type parlementaire. En effet, notre système politique est loin de posséder les attributs d’une véritable démocratie et pour expliquer cela, certains rouages du système sont essentiels à comprendre. Primo, l’exécutif (le cabinet et le Premier ministre) peuvent s’arroger beaucoup de pouvoir d’une façon fort simple : les députés membres du parti majoritaire (parce qu’un système parlementaire de type britannique tolère mal qu’il y ait plus de deux partis importants) votent nécessairement dans le sens de leur chef (le Premier ministre); c’est ce qu’on appelle le phénomène de la ligne de parti. Secundo, le Premier ministre a le loisir de présenter à peu près tous les projets de loi qu’il désire puisque qu’il est certain de bénéficier de l’appui de ses députés qui sont majoritaires (le système britannique est ainsi fait). Par conséquent, le rôle de l’Assemblée des députés, censée représenter les intérêts populaires, est réduit à celui d’un lieu de débat. Sans parler des relations fédérales-provinciales où le fédéral tente d’étendre son pouvoir au détriment des provinces. Toutefois, cela n’est pas propre au Canada; il en est de même dans beaucoup de pays.

        Tout cela pour en arriver à l’évidence qu’une réforme est nécessaire pour instaurer un véritable régime démocratique. La population peut désormais aspirer à participer aux décisions, ne serait-ce que grâce aux innovations technologiques actuelles. Par exemple, l’informatique nous permet déjà de communiquer en direct sur n’importe quelle distance. Imaginons que les citoyens puissent présenter, grâce à l’informatique, des projets de loi à l’Assemblée nationale ou aux Communes, peu importe l’endroit où ils habitent au pays ou dans la province. Le système représentatif deviendra un archaïsme avec le temps puisque les citoyens voudront s’exprimer eux-mêmes et qu’ils pourront le faire.

        Je vais encore plus loin dans ma réflexion : le régime parlementaire n’a plus sa raison d’être à cause des éléments énoncés ci-haut. Pourquoi ne pas se convertir à un régime républicain tout en faisant en sorte que le principe de la ligne de parti disparaisse ? Tiens ! Pourquoi ne pas faire disparaître les partis ? Ainsi, les députés pourraient voter selon leur bonne conscience en limitant la pression des différents lobbies sur eux. Pourquoi ne pas mettre sur pied un véritable organisme avec certains pouvoirs ayant comme mandat de surveiller l’exercice le plus complet de la démocratie et défendre les intérêts des citoyens devant le grand capital et le politique.

        Enfin, ces quelques suggestions peuvent paraître irréalisables. Or, la volonté d’un peuple peut arriver à modifier notre système actuel pour qu’il reflète davantage les aspirations de la population pour en arriver à une démocratie plus directe. Une démocratie plus directe dynamise la société et lui insuffle une plus grande vitalité. Cette vitalité engendre des remises en question par la voie de la contestation. Aussi, cette compétition politique donne lieu à une plus grande efficacité de ceux qui travaillent au service de l’État et donc, au service des citoyens. Par conséquent, un poste au sein du gouvernement pourra davantage se justifier par le mérite des individus qui y accéderont.

 

        L’article 1 de notre nouvelle constitution : Le gouvernement défendra les prérogatives de la démocratie afin d’assurer l’exercice de celle-ci par tous les citoyens, peu importe leur origine, leur croyance, leur statut social et leur statut économique.

 

        Salus populi suprema lex esto; « Que le salut du peuple soit la suprême loi »

Devise du droit romain.

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