Éditorial, déc. 2000

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Que reste-t-il d’Octobre 1970 ?

 

Par Jonathan-Philippe Desmarais

jodesmarais@hotmail.com

« Nous étions collés sur la base militaire de Saint-Hubert. La majeure partie des Forces armées ont été centralisées  là. [...] Tu vois ça. Tu vis ça. Tu es pris avec ça. Tu sais qu’à partir de  maintenant il n’y a plus de négociations.  La réponse du pouvoir passe devant ta fenêtre. Elle est définitive. Tout ce que l’on t’offre c’est un humiliant sauf-conduit pour Cuba ou l’Algérie si Pierre Laporte est libéré. Rien de plus. On envoie l’armée pour «protéger» le monde. Pour sauver la démocratie [...] ».

Francis Simard, Pour en finir avec octobre.

         Voilà, il est mort, et avec lui toute une époque. Pierre Elliot Trudeau, dernière grande figure des années revendicatrices, est mort, gardant pour lui sa sympathique arrogance. S’il a rejoint Lévesque et Bourassa, il rappelle ici-bas le souvenir d’une époque passionnée et déchirante. Que les médias larmoyants aient encensé l’homme à coups de témoignages, « d’émissions spéciales » et de rediffusions de ses plus grands moments, on aura oublié dans cette procession pathétique une seule chose : la mort est un processus rectiligne, disait Daniel Pennac, un  processus dans lequel on apporte avec soi le souvenir absolu de son épopée, un processus où la peine a comme seul réconfort les bons moments.

        Pour plusieurs Québécois, Octobre reste un moment sombre de notre histoire collective. Une chronique oubliée sur quelques lignes dans un livre. Rien de plus. Une extrême cloîtrée, rue Armstrong. Voilà avec quoi l’on s’explique Octobre: une extrême, socialiste et séparatiste. Ils l’ont fait ; ils l’ont enlevé puis tué.

         Mais une extrême en suppose une autre. L’autre s’était enfermée dans les parlements. Avec la Loi des mesures de guerre, c’est la primauté de la démocratie que l’on aura évoquée. Si l’on fait de Pierre Elliot Trudeau le grand Premier ministre que le Canada désire, comment doit-on comprendre ses gestes ? Doit-on sublimer Octobre 1970 au nom de la postérité ? Dommage pour celui à qui l’on doit le rapatriement de la Constitution, celui que l’on voit comme le géniteur de la Charte des droits, dommage que son passé politique ait permis de suspendre l’habeas corpus au nom du sauvetage de cette même démocratie.

        Comment dans un pays, qui à peine dix ans après se prévalait d’une charte des droits, a-t-on fait pour oublier subitement cet affront à la démocratie ? Pendant des semaines le Québec a été séquestré; un réel état de siège. Le Québec était pour un instant une république de bananes, où un gouvernement, une rose à la boutonnière, s’est permis d’envoyer la milice d’État pour faire respecter la démocratie et les intérêts des bonnes gens. Voilà l’essentiel d’Octobre. À une force armée marginale, on a répondu par les Forces armées canadiennes. À la panique, aux bombes et aux enlèvements, on a répondu par les M-16, les hélicoptères et par les arrestations sans mandats.

        Si le F.L.Q. s’est rendu coupable aux yeux de l’histoire de l’utilisation de la violence pour faire avancer la cause du Québec, le gouvernement d’Ottawa s’est rendu coupable d’utiliser une force massive pour faire taire la cause. Octobre est bien loin du F.L.Q. et même de l’assassinat de Laporte, il aura été la représentation de la force du pouvoir. À quoi pouvaient se buter les séparatistes ? Just watch me ! C’est lourd de sens. Mais cela restera désormais dans le folklore nationaliste. Comme la Brinks, il aura fait un peu peur. Sans trop paraître. Était-ce un exemple ? Seul le dernier des trois colombes le saura ! Mais Pierre Trudeau, l’homme, ce fanfaron, aura choisi son dernier jour sur terre avec prestance. Mourir en octobre. Mourir à son trentième anniversaire.

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